CONCOURS ÉTUDIANT ARCHI’BOIS 2022 - Explorer le biomimétisme jusqu'à la symbiose

Rédigé par Sarah ADOR
Publié le 01/04/2022

Article paru dans Séquences Bois n°135

À l’occasion du lancement de la 4e édition du concours étudiant Archi’bois, une table-ronde organisée à l’ENSA Paris-Val de Seine a été l’occasion de questionner le potentiel du biomimétisme en architecture, en imaginant quelles pistes créatives et écologiques il pourrait dessiner pour la construction bois et les matériaux biosourcés, au-delà d’une imitation formelle de la nature.

Associée co-fondatrice de l’agence XTU Architects, dont on connaît les projets organiques de la Cité du vin de Bordeaux et du Pavillon français de l'Exposition Universelle de Milan (tous deux construits en bois) ainsi que les expérimentations autour des micro-algues, Anouck Legendre préside le jury de cette édition qui propose aux étudiants de « composer avec le vivant ». Elle était invitée pour cette table ronde de lancement aux côtés de Steven Ware (ArtBuild Architects), qui a récemment imaginé une façade inspirée des mécanismes d'ouverture et de fermeture des fleurs, de l’architecte-paysagiste Claire Bailly, spécialiste du bio-numérique, mais aussi de l’architecte Vincent Callebaut, qui a collaboré avec Jacques Rougerie et Luc Schuiten sur de plusieurs projets biomimétiques, et de Brigit de Kosmi, architecte et enseignante dans le domaine d’études EcologieS à l'ENSA Paris-Val de Seine. 

« Le tronc du bananier est un exemple de rapport extrêmement efficace entre la quantité de matière mise en œuvre et la capacité structurelle », explique Steven Ware. La nature a en effet une certaine propension à la « frugalité de matière » et à la performance « au plus juste de la quantité nécessaire », remarque Anouck Legendre. Néanmoins, reproduire les formes de la nature serait le stade le plus élémentaire du biomimétisme, s’accordent à penser les cinq intervenants, Brigit de Kosmi précisant qu’il ne saurait s’agir de « s’imposer de nouvelles géométries ». Quelles autres leçons pourrions-nous donc tirer de l’observation de la nature ? Mais d’abord, pourquoi ?

Parce qu’elle « n’émet aucune pollution, aucun déchet, mise sur la coopération entre espèces, ajuste ses formes aux fonctions », résume Vincent Callebaut. Formé à la biologie avant d’embrasser la discipline architecturale, Steven Ware rappelle quant à lui que la nature a aussi la particularité de multiplier les usages d’une seule solution technique : « il y a un triple ou quadruple emploi de chaque chose », et donc, une forme d’économie de moyens qui pourrait guider nos manières de penser une architecture économe. Pour Claire Bailly, ce sont les processus plus que les formes de la nature qui sont peuvent nous inspirer, et notamment la logique itérative de l’« essai-erreur-adaptation » caractéristique de l’évolution biologique, qu’elle tente d’approcher avec des outils numériques de design génératif et d’intelligence artificielle. « Ce que permet de reproduire l’outil numérique c’est le nombre d’essais considérable que la nature met en œuvre, dont la plupart ne sont pas viables ».

À l’heure où nous sommes « inondés par les préfixes bio », déplore le fondateur d’ArtBuild, il est important de ne pas galvauder les mots. Le terme « biomimétique » fait justement l’objet de la norme ISO/TC266, qui cadre l’emploi du qualificatif, rappelle l’architecte anglais. « Ce que je retiens dans la définition, c’est la finalité poursuivie : que la solution soit en phase avec le monde du vivant », résume-t-il, Brigit de Kosmi prônant quant à elle une logique de « coopération ». Pour Steven Ware, l’enjeu est donc d’identifier comment les cycles de la nature pourraient « entrer dans nos propres systèmes de production d’objets, de bâtiments, de villes ».

« L’idéal serait de travailler avec des matériaux vivants », propose Anouck Legendre, évoquant l’étude de Julia Watson à propos de la pratique séculaire des habitants de Mawlynnong (Inde), qui tissent des ponts vivants avec les racines des arbres à caoutchouc. Citées par Vincent Callebaut, les expérimentations archiborescentes de l’architecte belge Luc Schuiten sont aussi des propositions enthousiasmantes, néanmoins plus poétiques que réalistes. Evoqué par Brigit De Kosmi, le Pavillon néerlandais de la Dutsch Design Week 2019, composé de panneaux isolants en champignons, constitue un exemple plus applicable. Sans aller aussi loin, c’est l’usage de bois moins transformé qui intéresse actuellement XTU, pour qui cette approche constitue un certain revirement. « Pour le Pavillon de France, nous avons travaillé avec de grandes poutres en lamellé-collé assez massives, qui nous ont permis de voir jusqu’où nous pouvions aller dans les performances du bois. Mais depuis, nous avons travaillé sur des systèmes constitués de petites lamelles tressées en réseau, qui utilisent peu de matière, et qui sont beaucoup plus économes », raconte Anouck Legendre. Recourir à de plus petites sections permet en effet de recourir à du bois brut, sans colles, c’est-à-dire à une matière purement biosourcée susceptible de retourner à la terre. « L’objectif c’est d’aller vers le cradle to cradle », défend Vincent Callebaut, évoquant le développement en cours de CLT à base de colles biologiques, issues des toiles d’araignées ou de la bave des moules. 

Selon Anouck Legendre, le bois ne devrait plus seulement être appréhendé comme un matériau, mais reconsidéré dans sa dimension d’« être vivant qui participe à un écosystème global ». Cela nécessite de sortir le bois « du strict sujet de la construction » et de le « réintégrer dans un projet de civilisation », propose l’architecte, arguant que la volonté de composer avec les forêts impliquerait notamment « de repenser le cycle de l’eau ». Steven Ware rappelle quant à lui que « l’arbre est une unité de production autonome qui enrichit son contexte, notamment les sols, contrôle l’hygrométrie, héberge la biodiversité, piège le carbone et produit oxygène, ainsi que de la masse », qui sont autant de voies de développement d’une architecture biomimétique. Brigit de Kosmi interroge à ce titre le potentiel d’une architecture poreuse, dont les aspérités de la matière pourraient accueillir le vivant…

(Comment) les étudiants imagineront-ils la symbiose – c’est-à-dire l’association biologique, durable et réciproquement profitable, entre deux organismes vivants – de l’architecture avec son milieu ? Comment exploiteront-ils la dimension vivante et naturelle du bois (ou de l’arbre) pour fabriquer des lieux habitables ? La fondation Archimbaud et l’ENSA Paris Val-de-Seine vous donnent rendez-vous le 19 mai pour découvrir les propositions qui auront su retenir l’attention du jury. SA

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