« C’est un site fort en termes d’usage et de symbole », énonce Darius Golchan, architecte associé de l’agence ACAU, à propos du lieu d’implantation du centre d’hébergement d’urgence de 370 places, commandé par l’Hospice général, une institution genevoise d’action sociale. Théoriquement inconstructible, le terrain a fait l’objet d’un permis de construire provisoire de dix ans. Il ne se situe qu’à 300 mètres du Palais des Nations, siège européen de l’ONU. Son versant nord est bordé par le parc Rigot, tandis que son côté sud, desservi par l’avenue de France et le tramway, est dominé par l’imposant bâtiment post-moderne de l’UNHCR, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Une présence bienveillante par nature, bien que l’organisme international ne soit pas partie prenante du projet.

L’opération immobilière de l’Hospice général que nous présentons ici est la plus grande et la plus aboutie de sa récente campagne de construction de centres d’hébergement de migrants (cinq réalisations, entre 2016 et 2020, sur le canton de Genève), qui vise à remplacer des structures d’accueil inadéquates ou vétustes. L’hypothèse d’un démontage, puis d’un remontage de la totalité ou d’une partie des bâtiments sur un ou plusieurs sites différents, a gouverné la stratégie de conception des architectes. Chaque module d’habitation, entièrement pourvu en atelier de ses équipements, de ses réseaux (électricité, plomberie, chauffage) et de ses façades (bardages, volets coulissants, couvertines, etc.), peut être considéré comme autonome et dissociable des autres. Poussant le principe du réemploi jusqu’au bout, ACAU et les ingénieurs de Charpente concept ont également imaginé des fondations démontables en lamellé-collé, protégées des infiltrations d’eau par une membrane polyuréthane. Une mise en œuvre entièrement « à sec », sans coulage de béton, que complètent quatre files de pieux battus en bois résineux, afin de supporter les coursives. [...]