LES VOIX DE VENISE

Rédigé par Anne-Sophie GOUYEN
Publié le 08/09/2023

Article paru dans Séquences Bois n°142

Pour la première fois cette année, plus de la moitié des participants de la Biennale d’architecture de Venise viennent d’Afrique ou de la diaspora Africaine et, autre première, la moitié sont des femmes. C’est la curatrice ghanéo-écossaise, Lesley Lokko qu’il faut saluer pour ces initiatives : écrivaine et enseignante elle a également fondé en 2021 l’African Futures Institute (AFI) à Accra, la capitale du Ghana, afin de « proposer un enseignement architectural d’envergure internationale sur le continent africain, mais aussi se saisir de l’espace plus expérimental, plus radical qu’offre l’Afrique». 

Forte de ces expériences, elle propose aux participants, et aux visiteurs, de réfléchir sur le thème du « Laboratoire du futur ». Bien que cette thématique permette des interprétations variées, cette biennale rend tout d’abord compte de l’invisibilisation du continent Africain – seuls le Niger et l’Afrique du Sud ont un pavillon dans les Giardini – en inversant cette tendance et en conviant près de 90 participants dans le pavillon central et dans les anciennes corderies de l’Arsenal pour évoquer, notamment, des questions d’identité face au colonialisme ou d’exploitation des richesses naturelles. Continent présentant une population jeune, confrontée à l’une des urbanisation les plus rapides du monde ainsi qu’au changement climatique, pour Lesley Lokko, le laboratoire du futur, c’est l’Afrique. Non pas dans une expérience didactique, mais dans un partage de perspectives pour mettre fin à une période d’inéquité, elle exprime son intention de ne pas raconter une seule narration, « mais de multiples histoires qui reflètent le magnifique kaléidoscope d’idées, de contextes, d’aspirations et de sens de chaque voie répondant aux enjeux de son époque». 


Au delà du discours décolonial qui se poursuit dans un grand nombre des pavillons nationaux, d’autres thématiques récurrentes semblent se dégager comme celle des ressources, au prisme de la décarbonisation de l’environnement bâti.L’Allemagne milite pour le réemploi de matières, en faisant étal des matériaux de la biennale d’art de l’année passée. L’Uzbekistan explore, quant-à-lui, la matérialité de la brique d’argile, en centrant la recherche sur son héritage architectural – les ruines de Qalas – comme un potentiel d’inspiration. Le pavillon belge, imaginé par Bento et Venciane Despret, présente une expérimentation de briques vivantes en mycéllium, capables de se régénérer, qui ouvre ainsi une réflexion sur l’étendue des relations qui pourraient être tissées entre humain et non-humain, pour le moment souvent négligées. 


La Terre, comme ressource, mais également comme « motif fondateur des philosophies » est également très présente : une dalle de terre crue provenant des excavations de Bruxelles recouvre le pavillon belge, dont la structure est construite en bois de la forêt de Soignes, questionnant ainsi le caractère local des matières. Le Brésil nomme même son pavillon « Terra » , partant du constat qu’elle est omniprésente dans les cosmologies et les imaginaires des populations du Brésil : en présentant des pratiques autochtones sur sol et socles de terre, le pavillon tend ainsi à faire comprendre l'identité brésilienne. Le Chili choisi de traiter la thématique des terres polluées, en exposant un inventaire des espèces du monde à venir : 250 semences, conservées dans la ville de Vicuna, qui seront utilisées pour « réparer » les sols et les écosystèmes dégradés. 


L’eau est aussi un élément récurrent : le pavillon Argentin expose, de manière thématique, des photographies de projets pour la contenir, la canaliser, l’habiter… afin de prendre conscience et d’imaginer « le futur de l’eau ». Le Danemark, très exposé aux enjeux de montée du niveau de la mer et des inondations, souligne des solutions pour atténuer ces risques majeurs tandis que la Grèce présente un panorama des barrages et réservoirs qui transforment le paysage du pays. Le pavillon du Bahrain explores quant-à-lui le paradoxe de l’extrême nécessité des systèmes de climatisation, dans ce climat chaud et humide, et ses effets destructeurs. Il propose alors une solution pour que le bâti rafraichi soit pensé comme un réceptacle à condensation d'eau, qu'il faudrait ensuite rediriger pour limiter les risques de sécheresse. 


D’autres thématiques plus ponctuelles participent à la diversité du propos, comme « le bureau pour un futur non-précaire » de la République Tchèque, qui questionne sur le système toxique du travail, ou le pavillon de la Pologne qui examine les relations de l’humanité aux datas. Du côté du bois, le « Pavillon de la forêt des enfants » lithuanien, pensé comme un outil pédagogique qui a vocation à retourner dans sa forêt d’origine, l’explore en reconnaissant le regard unique des enfants sur leur environnement.  En investiguant la pollution chimique, le développement des lichens ou encore les réverbérations sonores du bois, le pavillon devient en lui-même un « paysage de jeu », dans une installation aussi didactique qu’onirique.


> Le « Laboratoire du futur », est ouverte jusqu’au 26 novembre 2023. 
+ d’info sur www.labiennale.org

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